Jean-Claude Fyon dans Le Matin : «Les radios auraient besoin d’un nouveau souffle créatif»

par | 03 juillet 2022

Jean-Claude Fyon, fondateur d'Angle Large

Jean-Claude Fyon, fondateur d’Angle Large

Ce 4 juillet 22, le quotidien marocain Le Matin consacre un dossier spécial aux radios marocaines et à leurs audiences. Au Maroc, en une décennie, le marché a connu des mutations importantes, même si l’évolution des audiences montre aussi la radio en perte de vitesse. Le Matin revient notamment sur ce que pourraient être les nouveaux relais de croissance pour le média. Pour Angle Large, Jean-Claude Fyon répond aux questions d’Illham Lamrani Amine. Extraits.

Le Matin : L’évolution des audiences sur dix ans montre la radio en perte de vitesse. En 2012, 61% des Marocains de 11 ans et plus écoutaient le média chaque jour, contre 52% en 2022. Comment analyser cette décrue ?

Jean-Claude Fyon : À la libéralisation des ondes (2006-2009), l’effet découverte a joué. C’était la radio comme on ne l’avait jamais entendue, dans les thèmes, la musique et le ton. En dix ans, l’effet s’est estompé. Des programmes ont eu tendance à s’écarter de leur promesse, se simplifier et se recopier. L’offre a perdu en originalités. L’écoute de musique sur les plateformes de streaming a aussi pris de la place. Les radios auraient besoin d’un nouveau souffle créatif. Les auditeurs aiment la nouveauté, comme ils se lassent des tables de restaurant qui ne renouvellent pas leur carte. En regard des standards internationaux, les radios marocaines conservent des marges de progrès ; il reste des trous à combler dans l’offre. Au-delà du fléchissement du volume d’audience global, on ajoutera que les habitudes de consommation ont beaucoup évolué. Historiquement centrée sur les mornings, l’audience est aujourd’hui répartie sur toutes la journée, dont les grandes tranches présentent des audiences similaires en volume. La gestion des grilles est devenue plus complexe. Il ne suffit plus de tirer en longueur l’écoute matinale pour faire sa journée.

Les chiffres montrent des auditeurs qui papillonnent entre radios. On est passé de 1,4 à 2,4 stations écoutées chaque jour en moyenne, mais la durée d’écoute moyenne par auditeur (2h54) reste stable. Comment l’expliquer ?

Plus de stations ne veut pas dire que l’auditeur augmente mécaniquement son temps de radio disponible. L’effet sur la durée d’écoute tient plus au pouvoir de séduction de l’offre qu’à son volume. L’auditeur peut simplement se montrer plus éclectique, voyager dans l’offre au gré des émissions. Jadis, le bouton de sélection était verrouillé sur le récepteur de la maison. La libéralisation a multiplié l’offre par cinq et offert au public la liberté de choisir.

Les stations privées représentent deux tiers des parts d’audience. En dix ans, ce sont ces radios qui enregistrent les progressions les plus importantes. Cela tient-il à une meilleure capacité de prise en compte des souhaits des auditeurs ?

Il n’y a pas d’un côté des stations privées qui gagnent à tous les coups et de l’autre des stations publiques qui perdent systématiquement. La radio publique amazighe, par exemple, a triplé sa part d’audience en dix ans. La station publique coranique (15% de PDA) est en tête des audiences depuis la toute première vague de Radiométrie Maroc. Cela dit, les champions des parts d’audience appartiennent majoritairement à la catégorie des privés. Les indépendants rassemblent 67% des parts d’audience et ont gagné dix points depuis 2012. Faut-il y voir une meilleure capacité à prendre en compte les auditeurs ? Je dirais une plus grande capacité à mettre en place de nouvelles agilités. La plus grande fracture entre «perdants» et «gagnants» me semble à rechercher dans les formats de programme.

Qu’est-ce qui rassemblerait Med Radio, Hit Radio et Aswat, qui signent les plus importantes prises de parts de marché sur le long terme ?

Ces trois stations présentent des offres profilées. En parts d’audience (PDA), les stations gagnantes sur le long terme sont les plus clairement positionnées. Ce sont des chaînes qui ont de la personnalité, un ciblage, et qui s’y tiennent. Elles présentent une promesse lisible dans laquelle le public se retrouve facilement. Med Radio (12,5% PDA) et Hit Radio (10,2% PDA) en sont de bonnes illustrations.

À l’inverse, Al Idaa Al Watania et Medi1 enregistrent les plus fortes pertes de parts d’audience en dix ans

Médi1 a perdu 60% de sa puissance en dix ans et les parts de Al Idaa Al Watania ont diminué presque de moitié. Ce sont des généralistes un peu à l’ancienne qui chassent sur toutes les terres, au risque de se perdre dans un positionnement confus. Il y a aussi quelquefois des difficultés manifestes à se renouveler en profondeur. Chaîne Inter en offre un exemple, avec un demi pour cent de part d’audience et depuis dix ans la même ambition : redevenir ce qu’elle a été. C’est tout le contraire de se réinventer.

On fait beaucoup d’analyses quantitatives sur le paysage radio mais peu d’études qualitatives…

Les études quantitatives constituent le socle du système de mesure. Elles quantifient et classifient les audiences, dégagent des profils de stations. La mesure du CIRAD (Centre interprofessionnel de la mesure d’audience radio) produit des chiffres de référence utilisés par l’ensemble des acteurs de l’écosystème. Chaque trois mois, les opérateurs souscripteurs reçoivent de l’Institut Ipsos, en charge de la mesure, la data nécessaire pour les aider à piloter leurs émissions et leurs offres commerciales. Maintenir depuis dix ans une mesure d’audience mutualisée d’une telle régularité et solidité n’est en soi déjà pas banal. Les études qualitatives dont vous parlez complètent la mesure quantitative et permettent de comprendre finement les attentes des publics, de percevoir des signaux faibles parmi les auditeurs… et les non-auditeurs (le vivier de croissance). Elles ne sont pas une pratique courante parmi les opérateurs radio du Maroc, peut-être moins que jamais. Sous la pandémie, certaines chaînes ont dû couper dans les budgets des études qualitatives : focus groupe, validation de concept, tests musicaux. Une activité qui se mesure moins peut rendre plus complexe les améliorations.

À lire en intégralité sur le site du Matin 

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